My Interview with a French Platform Le Nouvel Obs by Doan Bui about my book and India's cow protection movement. FULL TEXT
De quoi la vache est-elle le nom? C’est le sujet du livre étonnant de la journaliste Shruti Ganapatye qui décortique un sujet devenu brûlant en Inde : la vache sacrée...Des milices de “gau rakshak”, protecteurs des vaches, qui ciblent les minorités musulmanes, lynchés pour suspicion d’atteintes aux vaches, à l’obsession de la “pureté” végétarienne, son livre “Who bell the cow: Beef ban” (non traduit en français), permet aussi de comprendre pourquoi l’idéologie “’Hindutva”, le nationalisme hindou, au coeur de la politique de Narendra Modi, est désormais si présente en Inde.
-Pourquoi avoir choisi de travailler sur le sujet des vaches sacrées? En quoi est-ce un sujet politique?
La protection des vaches a toujours été un sujet très sensible en Inde. La vache, représente “Notre mère l’Inde”, notre protectrice. Mais ce qui a changé depuis 10 ans, c’est l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi. Pour le BJP, les valeurs de l’hindouisme sont fondamentales: l’hindutva, le nationalisme hindou, est au cœur même du programme de Narendra Modi. Et quoi de plus central que la figure de la gau mata, la vache sacrée? En 2014, Narendra Modi avait dans un de ses discours fustigé ses opposants du parti du Congrès de vouloir promouvoir une “révolution rose” - évoquant la couleur de la viande, en promouvant les abattoirs et l’exportation de viande, via la politique fiscale. L’interdiction totale de l’abattage des vaches faisait partie de son programme en 2014. Je vis à Mumbai, et dans cette ville, et dans toute la province du Maharashtra, il y avait toujours eu des restaurants qui servaient de la viande de bœuf, qu’ils soient musulmans, ou du kerala. Ce n’était pas un sujet de discorde. Mais en 2015, il y a eu une interdiction totale du boeuf, et on a vu partout ces signes “no beef”. En Septembre 2015, il y a eu un premier lynchage dans la province de l’Uttar Pradesh (Inde du Nord), liée à une histoire de vache: un musulman, Mohamed Akhlaq a été lunché car on l’a accusé d’avoir volé un veau. Puis, il y eut ces trois musulmans, qui se rendaient à une foire agricole, tués, et pendus à un arbre… Depuis, il y en a eu tant qu’un livre pourrait être écrit rien que là dessus. Mais moi, je voulais interroger les fondements même de cette obsession. Je viens d’une famille totalement végétarienne, donc c’est aussi questionner cela, et cette obsession de la pureté, dans notre culture et société indienne: par exemple, pourquoi dans tant de restaurants, affiche-t-on désormais le signe “pure vegetarian”? Je me suis lancé dedans, avec un peu de naïveté, parce que je trouvais le sujet passionnant. Mais il était encore plus “explosif” que je ne le pensais car je n’ai pas trouvé d’éditeur…J’ai dû m'auto éditer…
-Le livre a été censuré?
Non, c’est plus subtil que cela. Les éditeurs m’ont fait comprendre que c’était un sujet trop sensible. D’autres n’ont pas répondu. Finalement, j’ai préféré quand même l’auto-éditer, ce qui veut dire qu’on peut l’acheter en ligne, mais pas dans les librairies….C’est un peu ce que vit tout le milieu de la presse et de l’édition depuis dix ans, cette espèce d’auto-censure insidieuse. Aujourd’hui, la presse est globalement très favorable au gouvernement. Il n’y a pas de contrôle direct, c’est une pression avec la crise économique, encore aggravée avec le Covid, les annonceurs qui ne veulent pas être associé avec des contenus qui fâchent. J’ai perdu mon travail de journaliste, comme beaucoup, après le covid, j’ai eu donc du temps pour me lancer dans cette enquête. Il reçoit un bon accueil. Il va sortir aussi en maharati, (langue du Maharashtra NDLR) soutenu là, par un éditeur courageux. Mais c’est dur! J’ai été invitée récemment à un festival, et les organisateurs ont reçu des menaces. Rien qu’à voir la couverture du livre, et son titre, ça a suffi à attirer les foudres des promoteurs de “l’hindutva”
-Dans votre livre, vous faites remonter le mouvement des “milices de protection des vaches” au XIXE siècle, pendant la période de la conquête et colonisation britannique.
Oui. Et ces milices sont déjà violentes. Au départ, ce mouvement est issu de la résistance aux colons britanniques, qui tuaient des vaches pour nourrir leur armée. Et peu à peu, il a commencé à s’attaquer aux Musulmans, parce qu’ils étaient dans le commerce de la viande. Les hindous nationalistes ont très vite adopté ces milices de “protection des vaches”. Très vite, l’argument de protection des vaches a été utilisé par les mouvements d’extreme droite, anti-musulman. Aujourd’hui être un “gau rakhskak”, un membre d’une milice de protection des vaches, c’est quelque chose de très valorisé. J’ai d’ailleurs rencontré des “gau rakhshak” qui venaient de milieux favorisés, des castes supérieures, des avocats, etc etc.
-Pendant le COVID, de nombreux gourous (et même des responsables politiques) préconisaient de boire de l’urine de vache pour éviter la maladie: il y a aussi tout un business autour des produits ayurvédiques issus des vaches, de part le fait qu’elles sont sacrées…
Oui, il y a beaucoup de croyances autour de cela. Certains disent que l’urine et la bouse sont des purifiants pour l’être humain, que la bouse de vache protège des radiations nucléaires… Avec l’interdiction de l’abattage des vaches, il y a un vrai souci économique avec toutes ces vaches errantes, que les fermiers ne peuvent pas se permettre d’entretenir pour rien. Dans ce qu’on appelle la “cow belt”, par exemple la province de l’Uttar Pradesh, il y a ainsi des “gau shala”, refuges de vaches, un peu partout. Et certains essaient de commercialiser les produits dérivés de la vache.
-La nourriture est donc devenue un sujet politique en Inde?
Oui, parce que ce que vous mangez révèle votre ethnie et votre religion: les végétariens, les non végétariens, ceux qui mangent du boeuf, du poisson, ceux qui proscrivent gingembre, ail, oignon, comme certains brahmanes, etc etc. Aujourd’hui, même dans les villes, on voit désormais des restaurants “pure veg”, ou encore “Jain” (sans oignons et ail). D’ailleurs, à chaque déplacement, Modi précise toujours quel a été son menu, pour promouvoir son régime végétarien, comme lorsqu’en 2014, son menu “végétarien avec peu d’épices et d’huile” a été vanté, face à son homologue du Pakistan qui a mangé de la viande halal…Et il a bien fait savoir qu’il avait jeûné lors d’une visite officielle aux Etats Unis qui se tenait en même temps qu’une fête religieuse, ce qui a beaucoup plus aux Indiens, et particulièrement ceux de la diaspora. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans cette Inde de Nehru qui se voulait séculaire: les questions de religions sont devenues omniprésentes dans le débat. On ne compte plus le nombre de controverses lancées sur les réseaux sociaux, sur ce type de sujet, par exemple quand un acteur est soupçonné d’avoir mangé du bœuf, l’offense ultime… C’est aussi très pratique pour refuser de louer à des musulmans: le propriétaire dit qu’il ne supporte pas l’odeur de la viande. Dans le Karnataka, un fournisseur de cantines scolaires, bien sûr exclusivement végétarien, a aussi décidé d’arrêter de mettre de l’oignon et de l’ail, pour des raisons religieuses aussi.
-Et ce que mangeaient les civilisations passées devient même un sujet historiquement sensible!
En février 2020, le musée national de Delhi devait organiser une exposition sur la nourriture consommée pendant la période harappéene (les civilisations anciennes de la vallée de l’indu, remontant à 3000 avant JC, NDLR). C’était une idée vraiment intéressante! Les visiteurs pouvaient commander un repas, et s’imaginer ainsi comment nos ancêtres se nourrissaient. A la dernière minute, le musée a finalement décidé de bannir la nourriture non-végétarienne… Allant à l’encontre des recherches historiques et archéologiques. Car la réalité, c’est qu’en Inde, on mangeait du bœuf, bien avant que les musulmans et les chrétiens n’arrivent sur cette terre. Il y avait même des sacrifices de boeufs, pour les brahmanes. Et même si Krishna est certes le gopalak “protecteur de la vache”, toujours représenté dans son chariot tiré par un bœuf, il y a des occurrences dans le Mahabharata évoquant des sacrifices de vaches. L’interdiction du bœuf vient bien plus tard, du bouddhisme et du Jaïnisme. Mais cela, nous ne l’acceptons pas. De façon assez intelligente et stratégique, l’hindutva englobe les religions sikh, jaïn et bouddhistes, en en faisant des branches de l’hindouisme. Finalement, ce qui cimente l’identité, c’est l’opposition à l’islam. Aujourd’hui, on renomme les rues qui honoraient des dirigeants Moghols, on efface l’histoire. On la “safranise” (le safran est la couleur de l’hindutva).
-Le BJP clame qu’il obtiendra la majorité absolue à ces élections en se donnant l’objectif de 400 sièges au Parlement.
Cela va être difficile pourtant, car Modi est contesté. Pas tellement du côté de l’opposition traditionnelle, qui se voulait séculaire, comme le parti du Congrès. Mais au sein même du parti, ou venant de fractions plus identitaires, qui lui reproche d’avoir fait des concessions…Pour moi, il ne s’agit pas que de Modi…L’hindutva- le nationalisme hindou- a gagné. Il n’y aura pas de retour en arrière vers cette Inde séculaire et laïque, pour laquelle Nehru s’était battu. C’est ainsi. Mais ce mouvement sociétal, de repli communautaire et religieux, est profond. Et aujourd’hui, c’est triste, mais un dirigeant comme Nehru est constamment calomnié et tenu responsable pour tout ce qui va mal dans notre pays. Le mot “sécularisme” est devenu une insulte. C’est pour cela que Modi a gagné en 2014, a été réélu en 2019, le sera probablement en 2025.
In a conversation with Swiss Radio's Peter Maren about India's cow protection movement and its impacts.
In a conversation with senior journalist Faye D'Souza on Zomato’s pure veg fleet: Discrimination or a non-issue? Is the enforcement of vegetarianism and the promotion of upper caste cuisine becoming synonymous with 'Food Nationalism' in India?
Modi's India: Democracy Confiscated
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Geopolitical documentaries 2024
French
I was featured in a documentary by France 5 channel on Hindu Nationalism. Narendra Modi, the Indian Prime Minister, launched his campaign for a third term as head of the country on January 22, 2024 with the inauguration of the Ayodhya temple, the largest Hindu temple ever built. It is the consecration of a political project, his own, that of a triumphant nationalism. That day, the vision of the founding fathers, Gandhi and Nehru, of a secular and plural state was definitively buried. Because Narendra Modi is a conqueror with great ambitions. His country, officially the most populous in the world, and the youngest, will soon be, according to projections, the third economic power in the world behind the United States and China. This film tells the story of India's great shift towards an authoritarian, ultranationalist and religious power.
Production house:
Babel Doc / France Télévisions
Directed by :
Sebastien Daguerressar
I speak on the complexities of food division along caste and religious lines in India, despite the fact that 70% of the population consumes non-vegetarian fare. I explore the paradox of India being perceived as a predominantly vegetarian nation, amidst controversies such as beef bans and enforced vegetarianism. Discover how restrictions like banning eggs in schools are shaping stricter food norms, contributing to the narrative of a 'Food Nationalism.'
Food Mark
Food Column – Navashakti Newspaper
This column explores food beyond recipes and restaurant reviews. It focuses on the anthropology, history, and politics of food, examining how food habits reflect culture, caste, migration, economy, and social change. Each article offers context to what we eat, tracing origins, transformations, and meanings tied to everyday meals. It aims to engage readers with the deeper stories behind ingredients, cooking practices, and food systems—offering a distinct perspective rarely found in mainstream food writing.